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Finance et marchés

Trafic d'armes, drogues, cyberattaque, environnement... La face noire du bitcoin et des cryptomonnaies

Les transactions en bitcoins sont aisément repérables par les hackers, qui peuvent siphonner l’argent des comptes. C’est aussi une arme de choix pour le trafic d’armes ou de drogue sur le Dark Web.

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Ferme de serveurs, en Chine. Une seule transaction en bitcoins consomme plus d’énergie que 100 000 avec une carte Visa.

Ferme de serveurs, en Chine. Une seule transaction en bitcoins consomme plus d’énergie que 100.000 avec une carte Visa.

Gilles Sabrie/The New York Times-Redoux/Réa

Après des heures de rumeurs et de spéculation, Yusuke Otsuka a fini par prendre la parole, dans la soirée du 26 janvier, à Tokyo, lors d’une conférence de presse. Costume et cravate sombres, l’air grave, le fondateur de la plateforme d’échange de cryptomonnaie Coincheck a reconnu qu’il avait été victime d’un cyberbraquage : l’équivalent de 400 millions de dollars de NEM, l’une des plus importantes monnaies virtuelles japonaises, se sont ainsi volatilisés. Et le jeune homme d’affaires n’a aucune idée de ce qu’ils sont devenus.

L’affaire constitue le plus gros vol de cryptomonnaies jamais enregistré. Elle rappelle une autre attaque également perpétrée au Japon, quatre ans plus tôt. Considérée un temps comme la plus importante plateforme d’échange de bitcoins au monde, la société Mt Gox s’est fait dérober quelque 355 millions de dollars dans des conditions très similaires. Son directeur général, Mark Karpelès, un Français aujourd’hui âgé de 32 ans, a été mis en examen par les autorités nipponnes qui l’accusent de détournement de fonds.

Peu de réglementations

Ces deux hold-up virtuels symbolisent la face obscure des cryptomonnaies. Et interpellant les experts en sécurité du monde entier. « Chaque jour, un peu plus, le crime va se financer par les monnaies virtuelles », estime le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Dans ses Prédictions Cybersécurité 2018, la société californienne ProofPoint estime que le vol de cryptomonnaies est en train de devenir une arme de choix pour les cybercriminels. « En 2018, le phishing et les logiciels malveillants conçus pour dérober ces monnaies virtuelles deviendront aussi répandus que les chevaux de Troie dans les campagnes d’e-mails », écrivent les auteurs de l’étude. La transaction en bitcoins est facilement reconnaissable par les hackers, tout comme les porte-monnaie électroniques qui abritent les cryptomonnaies.

Il leur suffit d’accéder à la fonction presse-papiers des ordinateurs ou smartphones, où la plupart des gens font des copier-coller de leurs mots de passe complexes, pour ouvrir le compte et transférer l’argent. La tendance risque de s’intensifier dans les mois à venir dans la mesure où la plupart des pays ne réglementent pas encore ces monnaies virtuelles. Le Groupe d’action financière, organisme international de lutte contre le blanchiment d’argent, a engagé une réflexion pour tenter d’encadrer le phénomène. Ses membres voudraient notamment pouvoir authentifier les nouveaux utilisateurs, comme cela se fait sur les marchés financiers classiques. L’un de ses objectifs est d’éviter que ces monnaies cryptées ne deviennent un instrument de financement du terrorisme et du cybercrime organisé. « Le Bitcoin a grandement facilité la vie des cybercriminels qui apprécient la préservation de l’anonymat et l’impossibilité de remonter aux sources », commente Loïc Guézo, patron de Trend Micro pour l’Europe du Sud.

Anonymat quasi parfait

Sur le Dark Web, la partie du cyberespace qui n’est pas indexée par les moteurs de recherche classiques tel Google, des bandes organisées ont monté de véritables supermarchés du crime. « Comme sur Amazon, vous y trouvez tous les produits imaginables, achetables en un clic, raconte Leroy Terrelonge III, analyste pour la société américaine Flashpoint. Armes, drogues ou numéros de cartes bleues volés se payent en monnaie cryptée. »

Ici, les cybercriminels opèrent dans un anonymat quasi parfait : leurs échanges sont basés sur la confiance et le bitcoin leur permet de ne laisser quasiment aucune trace de leurs transactions. Pourtant, elles ne sont pas totalement intraçables. « Avec des systèmes très puissants de reconnaissance de comportements, il est possible de remonter une piste », estime un expert en cybersécurité. Et parfois, les cyber-bandits se font coincer. Le 31 août dernier, un Franco-Israélien de 35 ans, Gal Vallerius, a ainsi été arrêté à l’aéroport d’Atlanta où il était en transit pour Austin, au Texas, où il devait participer à un concours de barbes et moustaches. En fouillant son ordinateur, la police américaine a détecté les identifiants et mots de passe d’Oxy-Monster, le principal animateur de Dream Market, un site de vente de stupéfiants sur le Dark Web. Dans son ordinateur, les enquêteurs ont également découvert un porte-monnaie électronique contenant l’équivalent de 500.000 dollars en bitcoins.

Grande volatilité des cours

Toujours en avance sur les gendarmes, les cybercriminels ont recours à de nouvelles monnaies cryptées qui préservent mieux l’anonymat, comme Zcash ou Monero. Et Charles Rami, analyste chez Proofpoint, observe une nouvelle tendance plutôt inattendue dans le paiement des rançons réclamées aux victimes de ransomware, ces virus qui prennent en otage les données. Les hackers apprécient peu la grande volatilité des cours des monnaies virtuelles et depuis quelques mois, certains réclament des dollars. A verser sur de bons vieux comptes off-shore.

Un désastre environnemental

Les cryptomonnaies ont un gros défaut : elles sont énergivores. Et donc pas très écolos. Selon Digiconomist, la consommation d’électricité annuelle nécessaire à la blockchain de bitcoin est estimée à 47,42 milliards de kWh, soit la consommation annuelle de Singapour. Une seule transaction en bitcoins consomme plus d’énergie que 100.000 transactions effectuées sur une carte Visa. Rien d’étonnant, car le processus de validation est long et complexe, il faut compter une heure de calcul en moyenne pour chaque transaction.

La Chine a longtemps été la terre de prédilection des mineurs (ceux qui font les calculs) en raison du faible prix de l’électricité. Genesis Mining, l’une des plus grosses sociétés de minage, a, elle, choisi l’Islande pour implanter ses fermes, avec des milliers d’ordinateurs tournant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le terrain n’y est pas cher, l’électricité abondante et les conditions climatiques permettent d’économiser de l’argent sur le refroidissement des machines. Dimitri Marinichev a investi plus de 20 millions dans l’installation de fermes en Russie pour des raisons analogues. La plupart de ces fermes installées aux quatre coins du monde minent indifféremment pour la plupart des cryptomonnaies. Le bitcoin est sans doute l’une de celles qui consomment le plus. Selon Digiconomist, Ethereum requiert quatre fois moins d’énergie que bitcoin. La plupart des autres cryptomonnaies, fondées sur des technologies plus récentes, ont un coût énergétique bien moindre. N’empêche, leur impact écologique est nettement plus élevé que celui des monnaies classiques.

Cette dépense d’énergie a aussi un coût économique. Les mineurs en assument la majeure partie et se rémunèrent en touchant des « tokens », des jetons libellés dans les cryptomonnaies minées. Mais pour certaines, il existe un nombre maximum qu’on ne peut pas dépasser. C’est le cas du bitcoin, limité à 21 millions d’unités. Que se passera-t-il quand tous les bitcoins auront été minés ?

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